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Inde : la diplomatie du yoga

Par Religioscope, 23 septembre 2025
Parmi les exportations culturelles indiennes, le yoga a peut-être eu le plus large impact dans le monde. C’est aussi devenu un instrument de soft power diplomatique pour l’Inde, particulièrement depuis que Narendra Modi est devenu le Premier ministre en 2014. Mais l’Inde parvient-elle réellement à en retirer tous les avantages ?

Ces questions sont abordées dans un récent article de Lisa Otto (Université de Johannesburg), publié dans la Review of Faith and International Affairs (été 2025). En pratiquant le yoga, des personnes établissent un lien avec des dimensions spirituelles et philosophiques de l’Inde, qui peuvent conduire à une attitude bienveillante envers ce pays. Cela correspond bien au concept de soft power, théorisé dans les années 1990 par le spécialiste américain des relations internationales Joseph Nye (1937-2025), qui évoque une influence fondée sur la force, mais sur la séduction que peut exercer un pays à travers sa culture et ses valeurs.

Au départ, l’Inde bénéficie d’atouts à différents niveaux pour utiliser certains outils de soft power, estime Otto. Parmi ceux-ci, le yoga n’a pas échappé à l’attention du gouvernement indien, qui a obtenu en 2014 l’approbation d’une majorité de l’Assemblée générale des Nations Unies pour instituer la date du 21 juin comme Journée internationale du yoga. Le yoga a en outre été inscrit en 2016 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La diplomatie indienne du yoga passe par la promotion d’événements autour du yoga, par des échanges culturels, par le tourisme du yoga (y compris des possibilités de formation) et par l’intégration du yoga dans une diplomatie de la santé. En 2015, le gouvernement indien a établi un ministère dédié à la médecine traditionnelle indienne, incluant le yoga (selon l’acronyme AYUSH, c’est-à-dire Ayurveda, Yoga, Unani, Siddha et Homéopathie).

Il est difficile de mesurer précisément l’impact de cette diplomatie du yoga. Selon l’analyse proposée par Lisa Otto, elle se heurte cependant à certaines limites, à commencer par un manque de cohérence stratégique dans l’utilisation de différents outils. De plus, la promotion du yoga comme contribution à la paix et la volonté de projet l’image d’une Inde pluralisme peuvent être perçues comme contradictoires avec l’affirmation du nationalisme hindou, sans oublier des tensions entre approches universaliste et nationaliste autour du yoga. Les instruments de soft power indien ne sauraient masquer les gros efforts qui restent à faire en matière de développement humain, de droits et de lutte contre la corruption, venant potentiellement brouiller l’image positive d’outils de soft power tels que le yoga. Otto cite les remarques partagées en 2017 par deux auteurs qui soulignaient que, pour utiliser pleinement son soft power, l’Inde doit apprendre à « gérer ses contradictions ». Les atouts que présente le yoga sur la scène internationale sont néanmoins bien réels (sans oublier les retombées économiques), contribuant à promouvoir l’image d’un pays « culturellement fier et cependant moderne ».

Lisa Otto, « India’s Use of Yoga in Diplomacy », The Review of Faith & International Affairs, 23/2, été 2025, pp. 1-13.

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