Plus de vingt ans après son décès, le Rabbi Mena'hem Mendel Schneerson (1902-1994), septième rabbi de la lignée Habad-Loubavitch, continue d'inspirer ses disciples. Nombre de fidèles du mouvement, qu'il dirigeait depuis 1951 et dont la présence s'étend aux quatre coins du monde, lui attribuaient un statut messianique ; certains persévèrent dans cette conviction, ce qui a conduit à des divisions. Tous se rejoignent cependant pour insister sur l'importance de son rôle pour le judaïsme contemporain, comme en témoigne le site français du mouvement : « Rien ne respire plus comme avant au sein du Judaïsme planétaire depuis que cet homme – dont la vie a embrassé le siècle le plus tourmenté de l’histoire juive – lui a imprimé son sceau intellectuel et moral. » Le Rabbi Schneerson n'a pas été remplacé. De nombreuses personnes se rendent sur sa tombe, à New York, pour lui demander son intercession, ou lui adressent des lettres pour obtenir sa bénédiction ou ses conseils, messages qui sont placés sur la tombe. Il est également possible d'adresser des messages au Rabbi par fax ou par courrier électronique : des formulaires de contact à cet effet sont disponibles sur les sites du mouvement.
Dans le Journal of the American Academy of Religion (septembre 2017), un article de Ranana L. Dine (Emmanuel College, Cambridge) s'intéresse au phénomène des omniprésentes photographies du Rabbi, jusque dans l'espace public des quartiers à forte population juive. Les portraits d'autres éminentes figures juives existent aussi, et le cas de Schneerson se greffe sur les portraits rabbiniques auxquels sont associées des propriétés magiques dans le judaïsme hassidique ; mais le caractère massif des représentations du Rabbi est sans équivalent. Celles-ci, note Dine, ont le pouvoir de « rendre présent » le Rabbi défunt. Elle rappelle que la branche messianique du mouvement fait même état d'apparitions du Rabbi, ce qui s'accorde bien avec cette dimension visuelle.
Il y a eu dans le judaïsme hassidique des oppositions à la multiplication de portraits, par crainte de désacralisation et de dilution du pouvoir mystique des grandes figures spirituelles. Cependant, pour le courant Habad-Loubavitch, cela s'inscrit dans une tradition de communication non verbale avec le Rabbi au sein d'un groupe géographiquement dispersé ainsi que dans une intense stratégie de communication. Dans l'esprit des fidèles, un pouvoir particulier est associé au regard du Rabbi, ce que ses photographies permettent de relayer. L'image du Rabbi a exercé une puissante influence, même dans le champ politique israélien à certaines occasions. Avec l'âge et la diminution des apparitions publiques du Rabbi, puis sa disparition physique, ses portraits ont acquis une importance supplémentaire. La reproduction de masse de ces portraits n'a pas porté atteinte à l'aura du Rabbi, offrant plutôt à ses disciples (nouveaux ou anciens) la possibilité de se relier à lui. « L'âge de la reproduction mécanique » — pour reprendre l'expression de Walter Benjamin, dont les observations sont discutées dans l'article — a permis au Rabbi de rester présent et de perpétuer son charisme « mystico-magique », conclut Dine.
Ranana L. Dine, « The Age of Messianic Reproduction : The Image of the Last Lubavitcher Rebbe in Chabad Theology », Journal of the American Academy of Religion, vol. 85, n° 3, pp. 775-805.
Site de l’American Academy of Religion :
https://www.aarweb.org
Site francophone du mouvement Habad-Loubavitch :
http://fr.chabad.org
Site du centre mondial du mouvement (en anglais):
http://lubavitch.com
Un site qui affirme le statut messianique du Rabbi (en anglais) :
http://www.chabadnj.org/page.asp?pageID=0B507C0E-3E4B-46FE-855D-2086B25B1ADB