Cotonou, 13 mars (IPS) -- Pourtant, il était autrefois difficile pour une femme de diriger de tels groupes, notamment dans une église parce que la société béninoise ne l'admettait pas.
''Autrefois, les femmes n'osaient pas se mettre devant des hommes pour diriger'', confie à IPS Angèle Dossou, fidèle d'une église évangélique à Cotonou, la capitale économique béninoise.
''Même lorsqu'elles créaient leurs groupes de prière, elles n'osaient jamais s'afficher par crainte des critiques. Elles préféraient mettre un homme devant, et elles restaient elles-mêmes dans l'ombre pour suivre l'évolution de leur œuvre. Il arrivait même qu'elles soient totalement écartées du groupe qu'elles avaient elles-mêmes créé'', affirme Dossou.
Béatrice Quenum, alias Maman Béa, a créé son groupe de prière appelé Mont Horeb MESDAS (Ministère d'évangélisation, de secours divin et d'aide sociale) depuis 1994 à Cotonou. Elle est la première femme béninoise à avoir décidé de créer un groupe de prière et de le diriger elle-même.
''Quand j'ai créé mon ministère'', raconte Quenum, ''j'ai eu d'énormes problèmes avec les hommes de Dieu. Ils n'étaient pas du tout contents parce qu'ils ont cru que je venais prendre leur place. Pour mieux savoir ce que je faisais, ils envoyaient, par exemple, des espions à mes réunions de prières pour savoir si je prêchais réellement l'évangile.
''Lorsque des membres de leurs églises venaient à mes réunions de prière, ils les réprimandaient à leur retour. Mais moi, j'ai continué à faire ce que Dieu m'a demandé de faire et il m'a soutenue'', déclare Quenum.
Janine Aho, une autre femme dirigeante de groupe, affirme avoir rencontré les mêmes résistances sept années plus tard, en avril 2001, lorsqu'elle a voulu créer son ministère appelé Mount Horeb International Foundation (MHIF) à Cotonou.
''Les difficultés que j'ai rencontrées au début de mon ministère sont liées à la culture béninoise. Les gens ne croyaient pas du tout en moi parce que je suis une femme. Ils disaient : 'c'est une femme, que peut-elle bien faire?'. Mais je les ai surpris et amenés au changement par mes résultats. J'ai aujourd'hui plus de 830 personnes, toutes églises confondues, qui assistent à ma réunion de prière du jeudi'', confie Aho.
Mount Horeb International Foundation, plus qu'un groupe de prière, est une fondation, précise Aho. En dehors de la délivrance spirituelle, la MHIF mène aussi des campagnes d'évangélisation, partout au Bénin, surtout dans les milieux difficiles comme les marchés, les milieux fréquentés par des prostituées et les quartiers déshérités des villes béninoises.
La MHIF s'occupe également des drogués, des femmes enceintes abandonnées par les hommes. La fondation s'occupe actuellement de 80 enfants orphelins qu'elle aide à achever leur scolarité.
''Actuellement, j'ai des hommes qui travaillent sous mon autorité. Je ne fais pratiquement aucune publicité pour mon groupe, mais les gens viennent toujours en grand nombre. Ce n'est pas par mérite que je fais tout ceci, c'est par la grâce de Dieu'', explique Aho.
La satisfaction est également de mise au Mont Horeb MESDAS de Quenum. ''Nous avons plein de témoignages de guérisons miraculeuses, d'emplois retrouvés, de couples réconciliés, de grossesses miraculeuses, etc.''
La fondatrice de Mont Horeb MESDAS se réjouit aussi de donner régulièrement des vivres et des habits aux pauvres et aux personnes en difficulté dans la société comme les prisonniers, les malades mentaux, les aveugles, et les orphelins.
Le plus grand rêve de Quenum est d'ouvrir, ''par la grâce de Dieu'', dans les années à venir, une grande cité Horeb qui comprendra un centre de prière, une maison de retraite, un centre de santé, un centre commercial, un grand jardin, une école primaire et un collège d'enseignement secondaire.
Sur le même terrain de l'évangélisation et du combat spirituel, mais par des chemins un peu différents, Thérèse Kanlinsou fait aussi l'expérience de la direction et de la gestion humaine. Présidente de la commission des femmes du Conseil des églises protestantes et évangéliques du Bénin (CEPEB), elle est à la tête d'un groupe de 11 femmes, chacune responsable des femmes dans l'une des églises du CEPEB.
''Le CEPEB ne voulait pas créer une commission des femmes au début. Les hommes pensaient qu'ils pouvaient régler à la fois leurs propres problèmes et ceux des femmes. Mais quand ils ont compris qu'il fallait des femmes pour faire face aux problèmes des femmes, ils ont créé, en 2001, la commission des femmes'', dit-elle.
Le rôle de cette commission, selon Kanlinsou, est d'éduquer les femmes à la vie. La commission a déjà organisé, à l'intention des femmes, des ateliers sur des thèmes éducatifs comme la tenue d'une maison, le comportement d'une femme enceinte, l'éducation des enfants, le mariage réussi, etc. ''Les femmes participent énormément à nos séminaires parce qu'ils les aident à mieux tenir leur foyer et à relever leur niveau spirituel'', affirme-t-elle.
''Il y a actuellement environ une femme contre neuf hommes, qui a un rôle dirigeant dans les églises au Bénin'', confie le pasteur Raphaël Adoundkpè de la Mission internationale d'évangélisation et de réveil spirituel (MIERS).
''C'est un chiffre très faible parce qu'il y a encore beaucoup de méfiance chez les hommes face au ministère des femmes, il y a aussi les influences de la société, il y a la peur des femmes à s'engager devant les hommes, etc. Mais nous sommes convaincus que le mouvement ainsi engagé est irréversible et que nous aurons de plus en plus de femmes qui dirigeront des églises au Bénin'', rassure Adounkpè.
Le Bénin est un pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, peuplé de 6,752 millions d'habitants, dont plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté. Les observateurs estiment généralement que la pauvreté serait à l'origine, comme ailleurs en Afrique, de la prolifération des églises et sectes religieuses dans le pays.
Michée Boko
© IPS Inter Press Service 2003.